Les locomotives

T’as pas vu mon écope ?

par Roger GIRARD

Mars I965 : c’est le Printemps sur la ligne Le Havre-Paris Saint Lazare. Les Pacifics enrobent encore de leurs volutes de fumée les bourgeons naissants, mais déjà poussent drus tout le long de la ligne les poteaux où s’accroche la grande toile d’araignée des caténaires.
Elève conducteur au dépôt du Havre (Elève-mécanicien a déjà été effacé dans la bureaucratie) j’assure parfois, comme chauffeur à ma grande satisfaction, entre quelques journées de manœuvre avec une 030 TU (c’est de la vapeur quand-même) ou un 6I000 et des trains de marchandises avec des I4I R, des trains rapides et express, fleurons de cette ligne de Haute-Normandie.
102-121, belle journée du roulement des Pacificards et deux des quatre rapides de cette ligne assurés par le dépôt du Havre.  Avec le mécanicien Jean PAVIS et sa machine la 231 G 665, le 102 Le Havre-Paris Saint Lazare se passe sans incident .
Après le repos à Batignolles, nous nous attelons sur le 121 Paris Saint-Lazare / Le Havre.
Ce train est sans arrêt jusqu’à Rouen Droite, et, pour éviter d’ajuster la prise d’eau à Rouen, nous nous complétons à la rigole de Léry Poses, notre tender étant équipé d’une écope à commande à vis.
Les 140 Kms qui séparent Paris St Lazare de Rouen se passent allègrement et nous repartons à l’heure vers Le Havre.  Les lumières des gares de Maromme-Malaunay défilent maintenant dans la nuit et nous attaquons la rampe de Motteville, principale difficulté du parcours.  En pénétrant sur le viaduc de Barentin au PK 156 200 nous entendons du bruit sous le tender… Nos regards se croisent et tout de suite se portent sur la commande de l’écope. Le crochet d’arrêt a sauté et la manivelle est libre.  Après la prise d’eau à la rigole j’ai mal remis ce crochet, et, avec les vibrations la manivelle s’est dévissée petit à petit.
La voie sur le viaduc en courbe possède en sa partie centrale un contre-rail et l’écope est venue se briser sur celui-ci.
Nous continuons notre route et trouvons les signaux fermés en gare de Motteville.  Arrêt.  Le Chef de service nous signale que Barentin a vu des étincelles sous le tender ; visite rapide et rien d’anormal n’apparait, sachant très bien ce qui s’est passé.
Nous repartons et atteignons le Havre avec quelques petites minutes de retard.
Rentrée au dépôt.  Chacun reprend son travail.  Jean passe sa visite complète, la 665 est en parfait état mais il lui manque son écope.
En entrant à la feuille de commande, le téléphoniste de service nous signale que Barentin a trouvé sur la voie, aux abords de la gare, une pièce de cuivre.  Nos regards se croisent avec un sourire complice… On a retrouvé notre écope !

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Philippe CARON

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