Le matérielLes locomotives

Les « Pacific Etat »

Par Jean-Paul GEAI.

A la veille du premier conflit mondial, le réseau de l’Etat, comme les autres réseaux français, se trouvait confronté à l’augmentation continue de la charge des trains de voyageurs.
A cette époque, le service de la traction disposait pourtant de machines Ten Wheel (230) performantes, Compound à quatre cylindres ainsi que d’une cinquantaine de Pacific 231 (numérotées 011 à 060) et de deux locomotives Pacific prototypes de l’ex Compagnie de l’Ouest n° 2901 et 2902 (ces dernières au fonctionnement délicat).
Le service du Matériel et Traction de l’état, dirigé par Mr Nadal, désirant s’affranchir une fois pour toutes des problèmes de traction rencontrés aux services express et rapide, étudia une nouvelle locomotive Compound à quatre cylindres de type Pacific.
Pour accélérer l’étude, la nouvelle locomotive fut calquée sur le type 3500 mis en service en 1908 pour la compagnie du Paris Orléans (PO). Elle présentait cependant quelques différences liées essentiellement au gabarit Ouest, moins généreux que celui du PO :
– Adoption d’un foyer de type Crampton au lieu du type Belpaire.
– Abri à pans coupés à la partie supérieure.
La première locomotive livrée, la 231 n° 501, construite par Fives Lille fut mise en service à l’été 1914, période peu favorable pour l’organisation des essais de traction. La déclaration de guerre mit un terme à la construction de nouvelles machines. La 231 n° 502 fut emmenée par les occupants en Allemagne ainsi d’ailleurs que les 504 et 506 non terminées. Ces machines furent restituées après l’armistice (la 502 étant affectée au Nord sous le n° 3.1150 ) ( les 504 et 506 furent achevées et numérotées 782 à 783 à l’Etat)
Cependant, plusieurs commandes furent passées pendant et après le conflit. Quatre constructeurs livrèrent au total 283 Pacific à l’Etat.
– Les ateliers anglais de la North British furent chargés de la fourniture des 231 (n° 650 à 689, machines livrées en plein conflit 1916-1917)
– Schneider livra les 231 (n° 690 à 739) en 1920 et 1921.
–  Fives fournit les 231 (n° 602 à 649, 780 et 781) en 1921.
– Les usines Batignolles Châtillon livraient en 1922 les 231 (n° 502 à 601) et les 231 (n° 740 à 779).
Cet aréopage de Pacific assurait l’essentiel du service express et rapide sur les grandes radiales du réseau de l’Etat, ainsi que sur les transversales. Leur mise en service provoqua un repli des nombreuses Ten Wheel vers les services moins nobles.
Placées dans les dépôts de Batignolles, Vaugirard (puis Montrouge) Caen, Le Havre, Laval, Brest, Thouars, elles fréquentaient plus tard les dépôts du Mans, Rennes, Rouen Martainville, Sotteville, Cherbourg, Dieppe…
Elles sillonnèrent les lignes suivantes au cours de leur longue carrière :
– Paris / Rouen / Le Havre.
– Paris / Caen / Cherbourg (Deauville l’été).
– Paris / Le Mans / Brest.
– Paris / Royan.
– Paris / Gisors / Dieppe.
– Paris / Niort.
– Paris / Argentan / Granville.
– Rouen / Mézidon / Argentan / Le Mans.
– Rouen / L’Aigle / Le Mans.
– Rennes / Auray.
– Rennes / Nantes / Bordeaux / Rennes / Saint Malo.
– Poitiers / La Rochelle.
– Le Mans / Angers / Nantes / Le Croisic….
Tout au long de leur carrière, le service Matériel et Traction de l’Etat apporte de nombreuses modifications à son parc Pacific visant à en améliorer le fonctionnement mais aussi par mesure d’économies d’eau et de combustibles. Tout d’abord l’échappement Nord d’origine fut remplacé par un échappement à Trèfle PLM.
De même plusieurs applications de réchauffeurs furent mises à l’essai : montage d’un réchauffeur d’eau Caillé Potonié sur quelques machines en 1925 (première machine traitée : la 231 n° 616). D’un fonctionnement délicat et d’une esthétique malheureuse, ce système fut rapidement abandonné.
– Quelques machines furent munies d’un réchauffeur Worthington, d’autres d’injecteurs Metcalfe à vapeur d’échappement selon la technique de la compagnie de l’Est.
– Plusieurs engins reçurent un réchauffeur Dabeg, ce système efficace avait par contre une fâcheuse tendance au désamorçage à vitesse supérieure à 100 km/h, inconvénient majeur pour une Pacific roulant à 120 km/h.
C’est en définitive le système ACFI avec ballonnets placés sur la tonne entre la cheminée et le dôme de prise de vapeur qui fut adopté pour l’ensemble du parc (pompe de 210, 230 et 254)
Pour combattre les rabattements de fumée gênant la visibilité de l’équipe de conduite, deux écrans pare-fumée furent montés à l’avant.
Ces modifications relativement mineures n’étaient qu’un avant-goût des transformations profondes qui furent entreprises à partir de 1933.
En 1934, vingt machines supplémentaires en provenance du PO (pour cause d’électrification en 1,5 KV) furent reçues par l’état qui les immatricula 231 n° 401 à 420. L’effectif du réseau de l’Etat dépassait alors les 300 unités.

L’ère du renouveau des Pacific de l’Etat

L’organisation d’essais sur la ligne de Paris à Cherbourg décidée par M Raoul Doutry en 1929 permit la comparaison de trois types de locomotives :
– La Pacific 3-1214 du nord
– La Mountain 241 001 de l’Est
– Une 231 500 de l’Etat.
Il en résulta la livraison par Cail et Fives d’une série de Mountain Est à partir de 1931.
Les dernières machines vinrent alors écrémer les plus beaux trains des 231 500… Mais les Mountain, lourdes et dotées d’une inscription en courbe mal calculée, furent stoppées net dans leur élan par la catastrophe de St Hélier dans l’Eure. Le 26 octobre 1933, le train Cherbourg / Paris n° 354 remorqué par la 241 n° 022 des Batignolles, dérailla. Cet accident fit de nombreuses victimes et motiva l’envoi de ces machines sur les lignes de Bretagne où les express lourds avaient une vitesse en pleine marche qui ne dépassait pas 90 km/h.
Après avoir vu leur suprématie menacée par les Mountain, les Pacific connurent une nouvelle et éclatante jeunesse.
Le service Matériel et Traction de l’Etat n’était pas resté insensible aux performances de la 231-3566 du PO modifiée selon la méthode Chapelon aux ateliers de Tours en 1929.
En 1933, sous l’impulsion de Raoul Dautry, l’énergique directeur de l’Etat, il fut procédé à la transformation profonde de locomotives 231-500, mais d’une manière moins poussée que celle appliquée par M André Chapelon à la 231–3566.
Trois variantes furent d’abord retenues :
– Application d’une distribution à soupapes Dabeg à la BP = machine 231 D
– Application d’une distribution à soupapes Renaud à la BP = machine 231 R
– Application d’une distribution par tiroirs cylindriques Willoteaux à la BP = machine 231 W.
De plus, ces trois séries virent la refonte de leur circuit de vapeur avec agrandissement des sections de passage, l’allongement de la boite à fumée et le remplacement du surchauffeur Schmidt par un Houlet sur quelques machines.
L’échappement Kylchap fut appliqué, améliorant ainsi considérablement la vaporisation de la chaudière. Des écrans de type PO furent montés et une deuxième sablière à air fut rajoutée pour améliorer les démarrages.
Cette première tranche de machines transformées fut affectée au dépôt de Batignolles pour service rapide et express sur les lignes de Normandie. Si les 231 D et W firent preuve de leurs qualités, les 231 R à distribution Renaud ne donnèrent pas les résultats escomptés.

 Les Pacific 231 DD et 231 G de la SNCF

En 1932, une nouvelle locomotive, dite Super Mountain, 241 n° 101 à distribution Renaud fut mise en service. Avec cette grosse machine, on allait voir ce qu’on allait voir… on a vu. Ce colosse s’avéra être un « veau » bien loin de développer la puissance qu’on en attendait ! L’Etat, échaudé par cet échec et impressionné par les résultats des Pacific 3701 à 3720 transformées du PO, décida de transformer d’une façon radicale la 231 644. Cette machine, entrée aux ateliers de Sotteville, reçut tous les ingrédients qui firent le succès des 3700 PO.
Rappelons que les 231 500 n’étaient en fait que la reproduction des Pacific PO 2500 différentes par quelques détails. Comme nous allons le voir, la collaboration des services MT du PO de l’Etat ont permis d’obtenir des résultats étonnants.
La nouvelle machine 231 n° 644 fut traitée par les ateliers de Quatre Mares près de Rouen.
Elle reçut les modifications suivantes :
– Agrandissement des sections de passage du circuit de vapeur.
– Allongement de la boite à fumée.
– Remplacement du surchauffeur Schmidt par un surchauffeur Houlet.
– Remplacement de l’échappement à trèfle par un kylchap double 2K/2C dont la cheminée de forme ovale différait de celle à chapiteau du PO.
– Transformation et application d’une distribution par soupapes Dabeg à la BP mais aussi HP, point capital de cette transformation.
– Application d’un essieu BP polybloc auto équilibré avec roues Léonard.
– Application de l’ACFI type 254.
– Graissage assuré par un graisseur Bosch à 24 départs placé dans l’abri ainsi que par graisseur Bourdon à 24 départs placé sur le tablier.
Pour accéder plus facilement aux cylindres BP, le tablier fut relevé au droit de ceux-ci. De plus, cette machine reçut une nouvelle porte de boite à fumée d’un type nouveau, inspiré de la porte de boite à fumée Nord. Cette porte comportait 2 branches se réunissant au centre avec un cabochon pointu.
Ainsi modifiée, la nouvelle machine qui fut indicée 231 DD n° 644 dégageait une réelle impression de puissance.
Lors des premiers essais, hormis quelques tâtonnements pour la mise au point de la distribution Dabeg, cette locomotive justifia tous les espoirs mis en elle par ses concepteurs. Il fut décidé de transformer trente autres locomotives : les 231 DD n° 412, 501, 502, 513, 516, 519, 521, 530, 537, 553, 556, 558, 562, 575, 586, 588, 592, 600, 607, 609, 629, 938, 645, 958, 665, 698, 706, 719, 763, 772.
Les ateliers de Quatre Mares furent chargés de ce travail. Les trente locomotives sortirent très rapidement des chaînes de transformation. La 231 DD n° 516, la première traitée, sortit en février 1936 et la dernière, celle portant le n° 592, en mai 1936. A la différence de la 231 DD 644, ces 30 machines reçurent un surchauffeur Schmidt de 30 tubes de 38 mm, ainsi que des soupapes Coale à la place des Lethuillier Pinel.
La rapidité d’exécution de ces transformations démontre bien la volonté de l’Etat d’améliorer rapidement les conditions de traction des trains rapides.
Les 30 machines furent affectées aux dépôts des Batignolles, Caen et Le Havre ce qui provoqua le départ des dix dernières Mountain du dépôt des Batignolles vers la Bretagne (sans regret semble-t-il des chauffeurs). Ces monstres étaient pénalisés par une mauvaise inscription en courbe à grande vitesse.
Pendant l’année 1936, les 231 DD 644 et 516 furent soumises à des essais très poussés (essais avec la méthode Czeczott avec voiture OCEM dynamométrique du PO et 3 machines frein 230/600). Les deux machines étaient alors détachées au dépôt d’Achères.
Durant quelques mois, la 231 DD 644 vit son échappement Kylchap remplacé par un Lemaître à large secteur. Celui-ci n’apportant rien de plus, le Kylchap fut remonté.
Durant les essais, il fut remarqué que la consommation d’eau et de combustible était un peu élevée. Des modifications du profil des cames furent appliquées pour apporter un remède. L’échappement Kylchap double donnant de bons résultats en service, 2 machines 231 n° 632 et 749 prévues pour la transformation avec distributeur Willoteaux à la BP et à la HP, reçurent ce type de d’échappement.
Les 231 DD et ces deux 231 W resteront les seules Pacific Etat à recevoir ce type d’échappement double.
A cette époque, quelques machines reçurent un pare-brise Pottier mais ce dispositif, peu esthétique, ne fut pas étendu et fut par la suite abandonné.
Les 231 DD assuraient avec les 231 D et W le service express rapide sur Paris / Caen /  Cherbourg, Paris / Rouen / Le Havre et Paris / Lisieux / Deauville l’été. Il faut remarquer que les 231 DD firent pratiquement toute leur carrière sur ces lignes.
Ces machines, montées par des équipes titulaires, arrivaient à l’époque à parcourir plus de 400 km par jour !
A titre indicatif voici la consommation moyenne d’une 231 G du dépôt des Batignolles en 1938 :
Trajet Paris / Le Havre, train de 340 tonnes au mois de décembre. 5,5 kg de charbon par kilomètre parcouru pour 100 tonnes tractées. Ce qui donne pour le trajet complet, 4,1 tonnes de charbon (train chauffé).
Par contre en été pour une même charge, on tombe à 4,5 kg de charbon par kilomètre parcouru pour 100 tonnes tractées. Ce qui donne 3,5 tonnes de charbon pour le même parcours.
Lors d’un train d’essai de 700 tonnes, Clichy / Le Havre, la 231 DD 516 couvrit la distance à 105,5 km/h de moyenne.
Les machines pouvaient développer une puissance aux cylindres de 3500 Ch venant ainsi en deuxième place après la 231 722 du PO.
En 1937, quelques 231DD de Batignolles furent extraites de leurs roulements et placées au dépôt de Montrouge pour assurer des express sur la ligne du Mans nouvellement électrifiée. En effet, les nouvelles locomotives 2D2 n° 501 à 523 n’étaient pas toute sorties d’usine. Les 231 DD firent l’heure malgré une marche très tendue de ces trains.
A la création de la SNCF le premier janvier 1938, les 231 DD furent indicées 231 G. L’immatriculation fut dans un premier temps peinte sur l’abri. Ce n’est qu’après le conflit que ces machines reçurent des plaques d’immatriculation.
Pendant le conflit, les rapides à marche tendue furent remplacés par des trains plus rares mais aussi beaucoup plus lourds. Aucune machine ne fut prélevée par l’occupant mais plusieurs machines eurent à subir les mitraillages ou sabotages. Ce fut le cas des 231 G n° 502, 556, 600, 644, 645, 665, 698 et 516, cette dernière fut jugée irréparable et démolie en 1945. La 607 et la 513 déraillèrent sur la ligne de Cherbourg par suite de sabotages. Lors de son passage en atelier pour réparation, la 513 reçut des pare-fumée de forme légèrement différentes.
La 231 G 553 resta pendant près de deux ans isolée sur le tronçon Andrésy et Limay suite à la destruction des ponts Eiffel et de Limay. Elle assurait une navette voyageurs accouplée à deux voitures Talbot.
A partir de 1943, comme les autres séries, les 231 G furent dotées de TIA (Traitement Intégral Armand, anti-tartre des chaudières). Le doseur placé entre le dôme et la première sablière enlaidissait la silhouette de ces machines. Par la suite, cet équipements fut descendu et placé sur le tender, solution beaucoup plus heureuse pour le service et l’esthétique.
Les ateliers de Sotteville Quatre Mares étant gravement touchés par les bombardements, plusieurs machines virent leur remise en état effectuée par les ateliers de Périgueux, Thouars ou même Nantes st Joseph.
A partir de 1946, les compresseurs d’air Fives Lille furent remplacés par des pompes Bi-Compound Martin placées sur le corps cylindrique au dessus du deuxième essieu accouplé.
A cette époque, un turbodynamo est monté pour l’éclairage électrique. La toiture est rallongée pour le plus grand bien du personnel de conduite. Au cours de l’année 1946, les 231 G figuraient dans différents dépôts :
– 11 unités au dépôt des Batignolles.
– 14 unités au dépôt de Caen.
– 3 unités au dépôt du Havre.
– Et aussi une unité au dépôt d’Evreux et du Mans pour un renfort sur les lignes électrifiées.
L’année 1947 voit le regroupement de ces machines dans trois dépôts : Batignolles, Caen et Le Havre.
Le service assuré consiste alors à la remorque d’express sur les deux lignes normandes Paris / Cherbourg et Paris / Le Havre mais aussi Caen et Le Mans.
Le 1er janvier 1954, Batignolles possède toujours 11 machines 231 G. Ce sont les : 513, 519, 521, 553, 562, 592, 600, 607, 638, 644 et 772.
Le Havre 4 machines : 412, 575, 588, 763.
Caen 15 machines : 501, 502, 530, 537, 556, 558, 586, 609, 629, 645, 658, 698, 706 et 719.
A cette époque, une modification améliore encore l’esthétique des 231 G : la pose d’une porte de boite à fumée moderne type Nord. Toutes les machines n’en sont pas équipées.
En 1955, Rouen Martainville se voit attribuer cinq 231 G : 412, 588, 644, 763 et 698. Cette dernière assurera le train présidentiel du président Coty le 24 juin 1956.
Les 231 G, de concert avec les 231 D, assuraient le service express et rapide sur Paris / Le Havre, Rouen / Caen, Paris / Dieppe, Paris / Caen / Cherbourg, Paris / Deauville avec en plus un service de train du régime accéléré ainsi que quelques messageries.
L’arrivée en 1957 de quelques 231 D et F de Saintes et de Rennes aux dépôts des Batignolles, de Sotteville et du Havre permit la réforme des premières 231 D et G arrivés à chute de timbre. [1]
Ainsi, en mai 1958, la 231 G 592 de Batignolles est garée en attente d’amortissement. Cette machine, ainsi que la F 632, a figuré dans le film « La bête humaine »
La G 772 est arrêtée en 1960.
A cette période, en raison des travaux d’électrification de la gare du nord, les 231 G du Batignolles assurèrent, de concert avec les 231 D, quelques Paris St Lazare / Beauvais en tête de voitures Talbot.
L’année 1961 voit les machines 501 et 586 de Caen garées définitivement. La « Grand-mère [2], la G 644 des Batignolles est garée en février 1962. La même année le dépôt de Caen réforme la G 609.
En 1963, un danger guette les 231 G ainsi que les 231 D : la traction diesel lourde arrive. Celle-ci avait déjà sévi en 1956/1957 sous la forme des 060 DB, futures CC 6500. Ces nouvelles locomotives de ligne avaient évincé les puissantes 231 F à distribution Willoteaux du service express sur les lignes de la Rochelle et de Saintes. Ces machines se retrouvèrent à Rouen où les plus valides reprirent le service des 231 H dont la réforme avait commencé à grande échelle.
En novembre 1963, la AIA AIA 68004 pointe son nez au dépôt de Caen. Elle fut rejointe au cours de l’hiver qui suivit par d’autres unités sortant de construction. Elles commencèrent à écrémer tout le service « noble » assuré jusqu’ici par les 231 D et G de ce dépôt. De plus, au cours de l’année 1964, des BB 67000 neuves arrivent à Caen pour participer à la curée. En quelques mois cette armada de locomotives diesel ne laissèrent plus aux Pacific qu’un service d’appoint. Il devint rare de voir une 231 D ou G en provenance de Caen au butoir de la gare St Lazare (sauf cas de panne du 68000…si si… c’est arrivé… !) Les machines valides de Caen furent alors expédiées sur Batignolles ou sur Le Havre.
En 1965, les G 521, 607 et 638 des Batignolles ainsi que les G 530 et 575 de Caen furent garées à tout jamais. Le Havre perdit la G 588 et la 706. Au service d’hiver 1965 / 1966, le nombre de 68000 et 67000 affectés à Caen augmente sans cesse. Il fut reconnu possible de leur faire assurer des trains sur la ligne Paris / Le Havre en attendant l’électrification complète de la ligne, ne laissant aux Pacific que les rapides Paris / Le Havre à marche tendue (train 101 / 102 et 121 / 114) [3] et les supplémentaires de fin de semaine ainsi que quelques très rares trains transatlantiques, eux aussi en voie de disparition.
Les 231 G et D encore en service en sont réduites à assurer quelques trains de grande couronne Paris / Oissel et même Paris / Gisors en tête de rames Talbot.
En mars 1966, Batignolles possède encore cinq 231 G, les 513, 519, 553, 562 et 600. Le Havre en possède huit les : 412, 502, 537, 558, 629, 645, 698, 763. Les machines 556, 665 et 719 sont déjà radiées.
Durant le service d’été, ces machines ainsi que quelques 231 D assurèrent les trains supplémentaires en appoint à leur dernier roulement qui comprenait toujours la paire rapide 101/102 et 121/114 ainsi que quelques messageries au départ de Batignolles.
Le 19 septembre 1966 voit la fin théorique du service des Pacific au départ de Paris Saint Lazare.
La machine présidentielle 231 G 698, astiquée à souhait, emmène le dernier 101 Paris / Le Havre vapeur de matinée.
Le soir à 19h35, c’est au tour de la 231 G 537 de remorquer le dernier 121 Paris / Le Havre en vapeur.
Quelques Pacific du Havre furent vue encore pendant quelques semaines en gare de Paris Saint Lazare en tête du train 1007 pour Gisors.
Le dépôt des Batignolles en cours de démolition ne possédait plus aucune machine en affectation.
Au début de l’année 1967, seul le dépôt du Havre possédait encore six 231 G c’étaient les : 502, 537, 645, 553, 556 et 562.  (les G 629, 698, 412 et 763 se trouvaient garées ainsi qu’une poignée de 231 D).
Ces machines ne faisaient plus que des navettes vers Rouen, Rolleville. C’était la fin d’une belle histoire.
L’électrification progressant jusqu’à Motteville, les Pacific n’eurent même pas le droit à un baroud d’honneur en prenant le relais de cette gare jusqu’au Havre, on leur préféra les grosses 141 R 1300 au fuel pour effectuer ce parcours.
Les 231 G et D survivantes du Havre furent définitivement garées. La 231 G 629 fut repeinte et présentée à une exposition en gare du Havre en décembre 1967.
Au début de l’année 1967, seules les trois 231 G : 502, 558 et 645 ainsi que trois 231 D, échappèrent au feu des chalumeaux et furent dirigées sur le dépôt de Nantes pour remplacer les 231 D de ce dépôt arrivées à chute de timbre.
La 231 G 502 effectua peu de service. Par contre la G 558 et 645 assurèrent de nombreux trains sur Nantes / Les Sables-d’Olonne et Nantes le Croisic jusqu’au 29 septembre 1968 ou la 231 G 558 fut désignée pour assurer le dernier train 757 en vapeur sur Nantes le Croisic et le train retour 756 Le Croisic / Nantes / Paris.
Le lendemain, une CC 72000 assurait le roulement marquant ainsi la fin définitive des Pacific sur le réseau de l’Ouest.

LA SECONDE CARRIERE DE LA 231 G 558

Il existait une bonne étoile pour notre princesse, la 231 G 558. Alors que ses sœurs se voyaient toutes promises au feu des chalumeaux, le bon état de sa chaudière lui valut un sursis. En 1969, elle se rendit par ses propres moyens à Dieppe pour remplacer la 231 D 744 employée au chauffage du fuel destiné aux ferry.
La 231 G 558 resta en feu par intermittence jusqu’au printemps 1970. Elle fut ensuite garée encore embiellée en gare voyageurs de Dieppe où nous la retrouvons en 1971. En 1972 une tentative de rachat pour sauver cette machine échoua de peu.
Elle resta près de trois ans en gare de Dieppe où, exposée aux intempéries et à l’air salin de la mer, son aspect extérieur commença à se dégrader.
En 1974, cette machine, dernière représentante des Pacific est ramenée au dépôt de Sotteville où, après un court garage, elle retient l’attention d’anciens cheminots de la vapeur et est repeinte par les ateliers de Quatre Mares puis garée à l’abri.
Ensuite, grâce à la volonté de certains passionnés, la SNCF donne la machine à l’amicale des chefs de traction qui la confie aux membres de l’association qui vient de ce créer pour l’occasion : le Pacific Vapeur Club. Après plusieurs promenades (froide) vers Paris St Lazare / Conches / Oissel et même Deauville, elles est sérieusement prise en charge par les membres du club  qui lui font subir une cure de jouvence avec de gros travaux.
Le 11 juin 1986, après plusieurs années de remplacement de pièces, de mise au point et de réglage, la machine est mise en feu pour effectuer 2 allers et retours  Sotteville / Elbeuf mais, par précaution, elle est  attelée à une machine diesel BB 63000. Le dimanche 29 juin 1986, elle remorque son train inaugural (mémorable) Sotteville / Beaumont-le-Roger / Evreux / Paris / Sotteville.
Depuis cette date, elle effectue de nombreuses circulations spéciales, rencontrant toujours autant de succès.
Après une remise en état de sa chaudière avec retimbrage en 1995, elle continue ses escapades sur bon nombre de lignes parfois éloignées du dépôt de Sotteville.
Après une remise en état longue et onéreuse,  avec lavage et retimbrage aux ateliers de Gray, la 231 G 558 rentre à Sotteville le 24 avril 2003. Le 26 du même mois elle reprend du service et se rend au Havre le 25 avril pour remorquer le train spécial Le Havre / Rouen / Amiens / Noyelles pour la fête de la vapeur. La 231 G 558, accompagnée de sa rame d’époque composée d’un fourgon à bagages Etat, d’une voiture postale, de 5 voitures OCEM de deuxième classe (B10), d’une voiture OCEM de première classe (A8) et d’un B4D, est la cible privilégiée de nombreux journalistes et photographes.

Moralité :

La vaillante Pacific, octogénaire, logée par le dépôt de Sotteville, assiste à l’agonie des A1A A1A 68000 qui tombent en AA l’une après l’autre. Ces mêmes 68000 avaient détrôné les 231 D et G en 1964 et 1965… ! Comme on le voit, la princesse se trouve dans de bonnes mains puisqu’elle se permet d’assister aux funérailles des machines qui l’ont remplacée.
Souhaitons lui encore, pour le plaisir de tous, une longue carrière à la tête de trains spéciaux vapeur.

Jean-Paul Geai

Ref : Les PACIFIC ETAT d’André Lepage  et différents documents Etat et SNCF.

Carte d’identité de la 231 G 558.

Construite en 1922 à Nantes par Batignolles-Chatillon, elle porte les numérotations suivantes :
231-558, puis 231-558 DD (après transformation) au réseau de l’Etat, 231 G 558 à la région Ouest.
Elle fait partie de la série état 231 (n° 501 à 783).
Locomotive de vitesse type 2-3-1 « PACIFIC » compound à 4 cylindres.
Surface de grille : 4,3 m²
Timbre : 16 hectopièzes
Diamètre des cylindres :
HP (extérieurs) …420 mm
BP (intérieurs) …640 mm
Course des pistons… 650 mm
Distribution par soupape Dabeg à la haute et à la basse pression.
Volume d’eau dans la chaudière : 8500 litres.
Puissance maximale : 2500 ch
Consommation : eau 15 m3 / heure maximum. Charbon 1,5 à 2 T pour 100 km.
Diamètre des roues motrices : 1,94 m
Masse en ordre de marche : 103,2 T
Longueur : 13,665m
Vitesse maximale en service : 130 km/h
Vitesse maximale en essai : a atteint 155 km/h
Vitesse maximale actuellement autorisée par la SNCF : 100 Km/h
Possibilité de traction en palier :
600 t à 120 Km/h
500 t à 130 Km/h
Le tender : 22 C 367
Capacités :
12 T de charbon
22 M² d’eau
Masse à vide 25,5 t
Masse totale en charge 60 t.
Etats de service
– 19 juillet 1922 : affectée au dépôt de Thouars.
– 22 juin 1936 : sort des ateliers de Sotteville Quatre Mares après modification. Renumérotée 231 558 DD et affectée au dépôt de Caen.
– 6 mars 1965 : affectée au dépôt du Havre
– 13 juillet 1967 : affectée au dépôt de Nantes-Blottereau.
– 29 septembre 1968 : elle assure les dernières vapeurs 753 et 756 entre Nantes et le Croisic.
– 19 décembre 1968 : elle est radiée à Nantes-Blottereau.
– 1968 à 1972 : elle est fixée au dépôt de Dieppe où elle sert de chaudière fixe pour le réchauffage du fuel destiné aux car-ferries Dieppe : Newhaven.
– 31 octobre 1972 : elle est garée au dépôt de Sotteville.
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[1]  Chute de timbre : L’épreuve hydraulique de la chaudière (10 ans) arrive à échéance (épreuve périmée).
[2] Ainsi appelée car première sortie de la production donc, la plus vieille.
[3] Seules les 231 D et G étaient capables de faire l’heure sur ces trains rapides, ce qui en dit long sur leurs capacités.

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Philippe CARON

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