Voyage à Nantes pour une double commémoration
Centenaire de l’usine de Nantes-Batignolles :
Le samedi 13 et le dimanche 14 octobre 2018, la Princesse était présente à Nantes à l’invitation de l’association « Batignolles retrouvailles« , à l’occasion de la commémoration du centenaire de l’usine de Nantes. C’est cette usine qui a construit la Princesse voici 96 ans, elle et ses ouvriers, sont restés très présents dans la mémoire des nantaises et des nantais.
L’usine en 1921, et les premières Pacific 231 en construction.
Un voyage exceptionnel pour les 50 ans de la mise en réforme de la 231 G 558 au Croisic
Le dimanche 14 octobre la Pacific 231 G 558 a effectué un voyage exceptionnelle entre Nantes et Le Croisic. Cette ligne a été la principale destination de notre locomotive pendant de nombreuses années, avant de devenir celle de sa dernière circulation, avant sa réforme le 29 septembre 1968, voici donc tout juste 50 ans !
Le voyage entre Sotteville et Nantes s’est fait en W, donc sans possibilité de voyager à bord de notre rame.
A l’occasion de ces manifestations, des souvenirs philatéliques sont proposés et peuvent êtres commandés par courrier en utilisant le bulletin téléchargeable ici.
Extraits du livre de Louis Le Bail «Saint-Jo et les Batignolles, histoires d’un quartier nantais», avec l’aimable autorisation des auteurs..
En 1916-1917, la Société de Construction des Batignolles, de Paris, achète plusieurs propriétés pour une surface totale de 23 hectares dont elle fait apport à la Compagnie Générale de Construction de Locomotives (Batignolles-Châtillon) dont les ateliers de Clichy sont devenus trop exigus pour l’extension de l’entreprise. Surtout, la France sent venir une nouvelle guerre avec l’Allemagne, et Paris est situé dangereusement près du front !
Le terrain acheté à Nantes est desservi par une ligne de chemin de fer, c’est bien le moins que l’on puisse exiger pour y construire une usine de locomotives. Saint-Georges est suffisamment éloigné du centre-ville où les voisins supportent de plus en plus mal les nuisances industrielles ; ici le quartier est encore peu habité.
Les bâtiments bientôt érigés sont disposés « en arête de poisson » ; au centre, le plus grand des ateliers, l’atelier G, d’une longueur de 130 mètres, celui que l’on appelle dans beaucoup de grandes usines « la cathédrale », est l’atelier de montage, où convergent les éléments réalisés dans les ateliers latéraux : A (outillage), B (ferronnerie), C (roues et boîte à huile), D (robinetterie, cylindres, mécanisme), E (longerons-châssis), F (réparations), H (peinture), I tuyauterie-enveloppes), J (chaudronnerie), K (forges). Il s’y ajoute la fonderie de fonte, de bronze et d’aluminium, la station d’air comprimé, le laboratoire de métrologie et de radiographie, la menuiserie, les entrepôts, les ateliers des apprentis…
1917, 1918 l’usine en construction
En ces années 1920, il s’agit là d’une usine modèle. Elle est prévue pour réaliser 200 locomotives à vapeur neuves et réparer 150 machines chaque année. Elle est équipée de 47 ponts roulants, dont celui de 150 tonnes situé dans l’atelier G, capable de déplacer une locomotive terminée.
A cette époque, les chemins de fer français appartiennent à plusieurs compagnies différentes : le réseau de l’Etat, le réseau Paris-Orléans, le réseau Paris-Lyon-Méditerranée etc… Elles seront regroupées dans notre SNCF le 1er janvier 1938.
La nouvelle usine reçoit sa première commande de l’état qui a besoin de 200 machines pour son réseau, des Pacific 231 : la première sort de l’usine le 27 octobre 1921, la dernière en juin 1933 et entre deux, la 231 G 558, notre Pacific 231 en 1922, année qui voit sortir une locomotive tous les deux jours (133 au 31 décembre 1922). L’année de la plus forte production est l’année 1921 avec 3 600 000 heures productives, record qui n’a pas été battu depuis !
Pendant plusieurs années, les commandes de locomotives affluent ; il faut reconstruire le parc, en partie détruit ou mal entretenu durant la guerre. Dès mars 1919, un accord est passé avec la société suisse Oerlikon, pour fabriquer 80 locomotives électriques de 1700 CV, de type BB, commandées par le réseau Paris-Orléans ; les Batignolles construisent la partie mécanique, Oerlikon la partie électrique, Clichy et Nantes se partagent le travail. En 1929 – 1930, Nantes équipe la ligne Chambéry – Modane de 4 puissante machines de 5400 CV, des 2 CC 2.
Jusqu’en 1925, la fabrication se poursuit sur un rythme assez soutenu, 70 à 80 machines par an. Mais vers 1926 – 1927, la Société parisienne, qui a des difficultés, ferme les ateliers de Clichy et vend le terrain à la ville de Paris. Le personnel volontaire, les brevets et l’outillage sont transférés à Nantes. L’usine nantaise en profite pour diversifier sa production : elle achète en 1934, et installe à Nantes, la société Henri Ernault qui fabrique des tours et des machines outils. Cette société s’installe dans l’atelier F jusqu’au bombardement du 23 mars 1943 qui détruit le local. Les machines sauvées sont abritées dans une usine de Cholet et y resteront par la suite.
A la libération l’usine nantaise se consacre essentiellement, de nouveau, au matériel ferroviaire, locomotives à vapeur 141 P et électriques BB-2400 CV. Nos fabricants nationaux se trouvent toutefois bien démunis pour assurer la rénovation du matériel français. En 1945, la SNCF a commandé trente 141 P à Nantes, mais la matière première, l’acier, est introuvable, de plus l’usure du matériel SNCF rend les transports très difficiles ; la France devra importer d’Amérique plus d’un millier de 141 R construites outre-Atlantique en un temps record.
En 1951, les Batignolles emportent un gros marché : 24 des 80 locomotives à vapeur, des 242 à voie métrique, sont commandées par les chemins de fer du Brésil. Les 242 vont assurer jusqu’à 38% de l’activité de l’usine. Mais un gros problème se pose pour les essais : les rails du réseau SNCF sont bien trop écartés (1,435 m) pour accueillir les machines. Une solution sera trouvée en Bretagne où le réseau à voie étroite des Côtes-du-Nord (les Côtes d’Armor aujourd’hui) est encore en activité. Les machines y seront transportées par route pour y être essayées.
1950, départ par la route avant embarquement, d’une locomotive brésilienne type 242.
Pour les Batignolles de Nantes, la SNCF aurait été un très bon client si ses commandes avaient toujours été régulières. En 1950-1951, elle retarde et restreint ses programmes, il faut d’urgence trouver d’autres débouchés. Les fabrications d’armement permettent de franchir ce moment difficile. Les 242 brésiliennes ont marqué la fin de l’ère de la vapeur, l’heure est au diesel et à l’électricité. En 1954 Alsthom et les Batignolles se partagent une commande de 122 locomotives électriques CC à courant mono/triphasé. Elles sont destinées à la ligne Valenciennes – Thionville où circulent des trains de minerai. Une de ces machines fabriquées à Nantes a été conservée par le musée des chemins de fer de Mulhouse.
En 1955, les Batignolles, aidées par l’Etat (fonds de conversion), se préparent à abandonner les branches « armement », « locomotives à vapeur », et à les remplacer par les machines-outils, le gros matériel d’équipement et de manutention, le matériel de papéterie, les turbines etc.
En 1959 apparaît la fabrication de rotatives d’imprimerie comme les « super gazettes » qui ont équipé le journal rouennais « Paris-Normandie » tant à Rouen qu’au Havre.
Les dernières décennies du 20ème siècle voient de nombreux changements de propriétaires, de regroupements de fusions, le climat social se dégrade. De 1950 à 1964 les Batignolles employaient encore plus de 2000 personnes, en 1965, l’effectif passe à 1900, la chute s’accélère à partir de 1973 avec moins de 1500 personnes, 1200 en 1974, un millier de 1976 à 1980. En 1984 c’est la fin…
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